Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/102

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rôle d’un personnage, qui fait d’un refrain son dada. J’ai vu réussir un vaudeville stupide, grâce à un monsieur quelconque disant à tout moment : je m’appelle Meyer. Je trouve que c’est là de l’esprit à trop bon marché, et, pour parler sincèrement, je vous en veux quand vous l’applaudissez.

Mais, il m’arrive d’avoir à vous présenter actuellement quelque chose de semblable. Je serai forcé de mettre en scène de temps en temps, — le moins souvent possible, — un personnage ayant réellement une manière de s’exprimer qui me laisse craindre que vous ne me soupçonniez d’employer un truc pour vous faire rire. Quant à cela, je vous assure que ce n’est pas ma faute si le très grave préfet de Bantam dont il s’agit ici, avait une façon de parler si excentrique, qu’il m’est difficile de la reproduire sans avoir l’air de chercher à me dispenser d’esprit au moyen d’un tic. Il faut vous avouer qu’il parlait comme si, à la suite de chaque mot, se fût trouvé un point, ou même un temps d’arrêt prolongé. Je ne puis mieux comparer l’intervalle existant entre ses paroles, qu’au silence, qui, à l’église, après une longue prière, succède à : l’amen. Après l’amen, chacun le sait, tout le monde se croit le droit de cracher, de tousser ou bien de se moucher. Ce qu’il disait était ordinairement bien pensé, et s’il avait pu se contraindre à abandonner ces arrêts importuns, ses phrases, auraient eu grammaticalement assez bonne tournure. Mais cette parole décousue, heurtée, raboteuse semblait difficile à écouter. On y était souvent pris. Quand on avait commencé à répondre, croyant qu’il avait fini pour son compte, qu’il laissait le complément de son idée à la sagacité de l’interlocuteur, les mots manquants tombaient à la suite, comme