Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/141

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vous n’avez pas à craindre de catastrophes assez terribles pour vous faire vous écrier : où trouver le sol qui a reçu mes semailles ?

Dans les contrées où Dieu précipite des torrents qui saccagent la moisson ; où il durcit la terre à l’égal du marbre ; où il fait rougir son soleil, comme un globe de feu ardent ; où il vous accable à coups de maladies vous rendant faibles et inertes ; où la sécheresse brise les épis ; dans ces contrées, les hommes s’inclinent, chefs de Lebac, et s’écrient :

Ainsi !… Il le veut ainsi !

Eh bien ! Il n’en sera pas de même à Bantan-Kidoul.

» Je vous suis envoyé en ami, en frère aîné. Ne faut-il pas que j’avertisse et que je prévienne mon jeune frère, si je vois un tigre, sur sa route !

Chefs de Lebac, souvent, nous nous sommes trompés, et notre pays est pauvre, parce que nous nous sommes trompés souvent.

À Tjikardi, à Bolang, dans le pays de Krawang, et dans les environs de Batavia, on rencontre beaucoup de gens nés dans notre pays, et qui ont quitté notre pays.

Pourquoi cherchent-ils du travail loin du sol qui recouvre les os de leurs ancêtres ? Pourquoi fuient-ils le village où ils reçurent la vie, où ils furent circoncis ? Pourquoi préfèrent-ils la fraîcheur de l’arbre qui croit là-bas, à l’ombre des forêts natales ?

Et là-bas, même, au Nord-Est, de l’autre côté de la mer, il y en a beaucoup qui devaient être nos enfants, et qui ont quitté Lebac, pour errer sur une terre étrangère, le poignard et le sabre au côté, le fusil sur l’épaule. Là, ils trouvent une mort misérable ; car ils passent pour des insurgés, et la force armée du Gouvernement les pourchasse et les détruit.