Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/149

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Chefs de Lebac… nous devons tous mourir !

Que dira-t-on dans les villages où nous sommes tout-puissants ? Et que répèteront les passants en voyant notre enterrement ?

Et que répondrons-nous, nous-mêmes, quand, après notre mort, une voix s’adressera à notre âme et lui demandera :

— Pourquoi pleure-t-on dans les champs ? et pour quel motif se cachent les jeunes hommes ? Qui enleva des granges, la moisson ; et de l’étable, le buffle qui devait labourer la terre ? qu’as-tu fait de ton frère que je t’avais donné à garder ? Pourquoi le pauvre est-il triste, et maudit-il la fécondité de sa femme ? »

Ici Havelaar s’arrêta de nouveau, pour reprendre après un court silence, d’un ton plus simple, et comme s’il n’eut rien dit qui dût l’avoir impressionné :

» Je désire, de tout mon cœur, vivre avec vous en bonne intelligence ; je vous prie donc de me regarder comme un ami. Celui qui se trompera, peut compter qu’il trouvera en moi un juge plein de douceur… Je me trompe si souvent, moi-même. Je ne serai certes pas sévère… du moins pour ce qui concerne les infractions ou négligences de service. Là, seulement, où la négligence deviendrait une habitude, j’y mettrai bon ordre. Quant aux fautes plus graves… provenant de concussions, ou d’oppression, point n’est besoin d’en parler… Je suis sûr qu’il ne s’en commettra pas, dans ma juridiction, n’est-ce pas, monsieur le Prince-Régent ?

— Oh ! certes non, monsieur le sous-préfet, il ne se présentera rien de tel dans la régence de Lebac.

— Eh bien ! donc, messieurs les chefs de Bantan-Kidoul, réjouissons-nous, de ce que notre régence est si arriérée et si pauvre. Nous avons à faire de