Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/180

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Le lecteur sait le reste.

— C’est très beau, vraiment ! m’écriai-je, tout en ayant l’air de le croire.

Mais, voilà où je fis preuve d’une grande finesse. Je tendais un piège à mon jeune homme, étant bien certain de le trouver en faute, et de le remettre à sa place, sans risquer de voir tomber le vieux Stern entre les mains de Busselinck et Waterman. Je tenais à lui faire sentir quelle distance il y a, entre un commençant — quel que soit l’état prospère des affaires paternelles — et un commissionnaire qui fréquente la Bourse depuis vingt ans. J’avais appris qu’il savait par cœur toute sorte de vers et de poésies ; or, les vers et la poésie n’étant qu’un tissu de faussetés, je me voyais bien sûr de le prendre en flagrant délit de mensonge ; et ce ne fut pas long.

J’étais assis au salon ; lui, il se trouvait dans le boudoir, — nous avons un boudoir, faisant suite au salon ; — Marie tricotait, et il lui racontait je ne sais quoi.

J’écoutai attentivement. Son récit terminé, je lui demandai s’il avait le livre où se trouvaient toutes les belles choses qu’il venait de dégoiser. Il me répondit affirmativement et il me l’apporta. C’était un volume, faisant partie des œuvres d’un certain, Henri Heine. Je le pris et le lendemain je lui remettais entre les mains, l’écrit suivant :

— » Examen de la véracité d’un quidam, osant réciter les sottises suivantes, tirées de Henri Heine, à une jeune fille qui tricotait tranquillement dans un boudoir ».

      » Sur les ailes de la poésie,
      Je t’enlèverai, ma bien-aimée !…