Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/184

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vous tenez absolument à voir des bêtes exotiques ? Faut-il que ce soient des gazelles, nées sur les bords du Gange ? Et même, en admettant cette nécessité, ne vaut-il pas mieux, plutôt que de les étudier à l’état sauvage, les examiner tout à son aise, enfermées dans une enceinte proprement treillagée et goudronnée ! Pourquoi ces bêtes-là sont-elles pudiques et éveillées ? Eveillées, passe encore ! Mais, pudiques !.. Pudiques ! En vérité, c’est abuser d’un mot respecté, qu’on ne doit employer qu’en faveur de créatures raisonnables et possédant la foi véritable ! Et ce fleuve sacré ! Voulez-vous donc faire de Marie, une petite païenne ? Il vous sied bien de la faire chanceler dans la foi maternelle ! Il n’y a d’eau sacrée que celle du baptême ; il n’y a pas d’autre fleuve sacré que le Jourdain !

Vous minez tout, tout, tout, morale, vertu, religion, christianisme, et bienséance !

Réfléchissez à tout cela, Stern. Votre père est une maison respectable, et je suis certain qu’il m’approuvera d’influencer de la sorte votre manière de voir. Il sera enchanté d’être en relations d’affaires avec un homme qui défend la vertu et la religion. Oui, les bons principes me sont sacrés, et je dis mon opinion franchement, sans scrupule, sans arrière-pensée. Vous pouvez parler de ce que je vous dis là ; libre à vous d’écrire à votre père que vous vivez ici dans une famille solide, dans une famille qui pratique et vous conseille le bien ! Demandez-vous, à présent, ce que vous seriez devenu, si vous étiez entré chez Busselinck et Waterman ? Là aussi, vous auriez récité vos jolis petits vers, mais là on ne vous aurait pas parlé comme moi, parce que les chefs de cette maison sont… ce que vous savez !