Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/195

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on nourrit un serin dans sa cage, bien longtemps après, oui, aujourd’hui encore, vous rêvez tout éveillé, de cette femme ; parfois, la nuit, dans votre sommeil, vous vous levez en sursaut, et vous retombez lourdement sur votre matelas, en voulant arrêter le bras du bourreau ! Est-ce vrai, cela ?

— Je veux bien le croire, mais je ne puis l’affirmer, n’ayant jamais regardé par un soupirail, à Fotheringay.

— Très bien ; moi, non plus ; mais je prends maintenant un tableau qui représente le supplice et la mort de Marie Stuart. Supposons que ce soit un chef d’œuvre, un tableau parlant. Le voilà, dans un cadre doré, accroché, à un fort clou, au moyen d’un cordon rouge, si cette couleur-là vous plaît… Je sais ce que vous allez me dire ! Non… vous ne voyez pas le cadre, vous oubliez même que vous avez remis votre canne au vestiaire, vous oubliez votre propre nom, votre enfant, vous oubliez jusqu’au bonnet de police, nouveau modèle, donc, vous oubliez tout !… pour ne voir qu’un tableau !… Vous contemplez, sur cette toile, la même Marie Stuart, dans la même situation qu’à Fotheringay. La pose du bourreau y est conforme à la réalité ; je veux bien aller jusqu’à vous faire étendre le bras pour empêcher la hache de tomber ! Je consens à vous permettre de vous écrier : mais, laissez donc vivre cette femme ! laissez la se repentir ! Vous voyez que je vous fais beau jeu, en vous mettant sous les yeux un tableau exécuté de main de maître.

— Bon !.. alors, où voulez-vous en venir ?

Mon impression, dans ce cas là, est tout aussi frappante que si je me trouvais à Fotheringay !