Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/250

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d’être lu par vous, même quand il cesse de faire de la topographie.

Seulement, ne faites rien à la légère ; n’oubliez pas que le jugement du lecteur sur le plus ou moins d’à-propos d’une digression, topographique ou sentimentale, est souvent faux ; le même lecteur ne pouvant pas savoir, avant la catastrophe, ce qui est utile au dénouement, ce qui est exigé par le développement régulier des situations successives de l’ouvrage.

Je vais plus loin.

S’il reprend ce livre, s’il le relit, une fois le dénouement connu de lui, — et ici je ne parle pas des ouvrages qu’on ne lit qu’une seule fois, — et qu’il persiste dans son opinion ; s’il se dit qu’on aurait pu lui épargner telle ou telle longueur, sans nuire à l’impression générale, il reste toujours une question à élucider : aurait-il éprouvé cette même impression générale, si l’auteur ne l’avait pas conduit au dénouement, à travers tous ces écarts, ces longueurs, ces digressions, qui lui semblaient superflus, et cela avec un art qui constitue le vrai mérite de l’écrivain.

Croyez-vous que la mort d’Amy Robsart vous frapperait tant, si Walter Scott ne vous avait promené dans les escaliers, sur les tourelles, dans les salles basses et dans les oubliettes de Kenilworth ?

Et pensez-vous qu’il n’y ait pas un rapport vivant, — rapport issu du contraste, — entre le costume brillant dans lequel l’indigne Leicester se montrait à sa maîtresse, et la noirceur de son âme.

Ne sentez-vous pas que Leicester — chacun le connaît par d’autres lectures et d’autres sources que le roman lui-même ; — ne sentez-vous pas que Leicester était infiniment plus dépravé qu’on ne l’a représenté dans Kenilworth ! Mais le grand romancier,