Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/281

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La plupart des chefs ont à leur disposition quelques galériens ; ce sont des criminels, condamnés ailleurs pour causes politiques, et exilés du lieu où ils ont mérité leur condamnation. Leur nombre n’est presque jamais en rapport avec les travaux, qui leur incombent, et toujours insuffisant pour le travail, et le soin exigé par l’entretien d’un vaste terrain.

Il faut, donc, avoir recours à d’autres moyens ; alors, l’appel aux travailleurs, ouvriers ou paysans, chargés des corvées gouvernementales, est décrété.

Le Prince-Régent ou le chef du district qui reçoit une telle convocation s’empresse d’y satisfaire, sachant bien que, plus tard, tout fonctionnaire commandant en chef, qui s’aviserait de réprimander un chef indigène, faisant abus de son autorité, s’exposerait à recevoir la même réprimande pour son propre compte.

Ainsi, le délit de l’un devient la sauvegarde de l’autre.

N’allons pas trop loin, pourtant. Parfois, la faute de ce commandant en chef ne doit pas être jugée trop sévèrement ; il ne faut surtout pas la juger d’après les idées européennes.

La population elle-même s’étonnerait, sans doute, par la force de l’habitude, de le voir toujours et en tous cas observer ponctuellement la règle, qui fixe le nombre des travailleurs corvéables.

Il peut en effet se présenter bien des cas non prévus par le règlement.

Mais une fois les limites de la légalité rigoureuse dépassées, il devient difficile d’arrêter le point où commence l’abus.

Une grande circonspection devient nécessaire, dès qu’on sait que les chefs n’attendent qu’un mauvais exemple, pour le suivre, et pour l’outrepasser.