Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/303

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Après tout, ne valait-il pas mieux empêcher ces gens-là de retourner le lendemain, chez leur sous-préfet, pour lui répéter ce qu’ils lui avaient dit la veille ! Ne valait-il pas mieux étouffer leurs plaintes dans les eaux jaunes du fleuve Tjondjoung, qui les descendaient doucement jusqu’à son embouchure ! Et cette embouchure n’avait-elle pas pris l’habitude d’être l’entremetteuse officielle des dons fraternels offerts par ses requins de terre aux requins de mer !

Et Havelaar savait tout cela !

Le lecteur comprend-il ce qui devait se passer en lui, quand il se rappelait qu’on l’avait mis là pour rendre la justice ! Que de cette justice, il était responsable, envers une autorité plus haute que celle d’un gouvernement, qui prescrivait bien cette justice dans ses lois, mais qui n’aimait pas toujours à la voir appliquée !

Comprend-il ses hésitations, ses doutes, non pas sur ce qu’il avait à faire, mais sur la façon de s’y prendre pour faire ce qu’il avait à faire.

Havelaar s’était tout d’abord servi de la plus grande douceur.

Il avait parlé au Prince-Régent, comme un frère aîné ; et n’allez pas vous imaginer que prévenu en faveur de mon héros, j’exalte sottement son langage. Non, voici une preuve de ce que j’avance : après un de ces entretiens, le Prince-Régent lui envoya son secrétaire, pour le remercier de la bienveillance de ses paroles ; et longtemps après, ce même secrétaire, causant avec le contrôleur Dipanon, à une époque où Havelaar avait cessé d’être sous-préfet de Lebac, et où, par conséquent, il n’avait plus rien à attendre ou à craindre de lui, ce même secrétaire, dis-je, s’écria tout ému au souvenir de sa