Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/324

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répéter le lendemain, en public, les accusations qu’ils venaient porter dans son bureau.

C’eut été pour eux tous la source d’une foule de mauvais traitements, et pour quelques uns, la mort. Havelaar prenait note de leurs plaintes, et cela fait, il les renvoyait dans leur village.

Il leur promettait justice, à la condition qu’ils n’émigreraient pas, ainsi que plusieurs d’entr’eux en avaient témoigné le désir.

Le plus souvent, il faisait diligence, et se rendait sur-le-champ dans le lieu où l’injustice avait été commise ; oui, il arrivait parfois qu’il se trouvait sur le lieu en question, et qu’il avait instruit l’affaire, dans le courant de la nuit, avant que le plaignant lui-même fût de retour dans sa demeure.

De cette manière, il inspectait, sans se préoccuper de l’étendue de sa division, des villages situés à vingt lieues de Rangkas-Betoung ; et jamais le Prince-Régent, ni même le contrôleur Dipanon ne se doutaient qu’il se fût absenté du chef-lieu.

En cela, son intention était d’écarter des plaignants le risque d’une vengeance probable, et en même temps, d’épargner au Prince-Régent la honte d’une information, d’une enquête publique, qui, Havelaar s’en mêlant, ne se fût pas terminée par le retrait de la plainte.

Il espérait toujours que les chefs reviendraient sur leurs pas, et abandonneraient la voie criminelle, suivie par eux depuis si long-temps.

Dans ce cas-là, il se serait contenté de demander des dommages-intérêts pour les malheureux spoliés.

Mais, chaque fois qu’il entretint le Prince-Régent à ce sujet, il ne reçut que des réponses dilatoires ; et il crut s’apercevoir qu’on lui faisait des promesses vaines.