Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/326

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gens ayant à faire de quarante à soixante milles avant de pouvoir se cacher, le soir, dans le ravin attenant à la maison de Havelaar.

Si, avec cela, on considère le grand nombre de ceux qui ne se risquaient pas à mettre le pied hors de leur village, découragés par leur propre expérience ou par le spectacle de toutes les persécutions subies par d’autres plaignants, on verra qu’il n’est pas exagéré de multiplier par cinq, le nombre des buffles volés, chaque mois, dans ces cinq districts.

C’est une statistique à peine suffisante, vue prise des besoins du Prince-Régent de Lebac et de sa cour.

Et l’on ne volait pas que des buffles ; non, à coup sûr, on volait mieux et autre chose que cela.

Les chefs n’avaient pas besoin de montrer tant de cynisme, surtout dans un pays comme les Indes, où le droit de corvée existe légalement, pour convoquer la population à un labeur illégal, et non rétribué.

Cela vous évitait la peine de mettre la main sur une propriété privée.

Il est plus facile d’ailleurs de persuader aux habitants que le Gouvernement a besoin de leurs bras, sans rétribution aucune, que d’exiger leur buffle gratuitement.

Parfois même si le timide Javanais osait demander, si le travail qu’on lui impose sous le nom de corvée est conforme aux règlements officiels, il lui serait impossible de savoir à quoi s’en tenir, les uns ne disant rien aux autres, et le moyen de calculer si le nombre fixé des personnes convéables a été dépassé dix ou cinquante fois, lui échappant, ou ne pouvant lui tomber sous la main.

Là où un fait, un crime patent s’exécute au grand jour et si audacieusement, comment se défendre