Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/365

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embrasser par avance l’être qui l’attendait sous l’arbre des fiançailles. Il retraçait dans sa pensée les traits d’Adenda, sa tête, ses épaules ; il voyait sa riche tresse d’un noir de jais, ondulant sur son cou ; il admirait son grand œil rayonnant au fond de son orbite, ses narines retroussées avec tant de fierté, quand dans les jeux de leur enfance, — chose qu’il ne comprenait plus, — il se plaisait à la taquiner ! Il voyait les coins de sa bouche aiguisant un sourire malin ; sa gorge naissante faisant rebondir sa collerette ; il suivait des yeux la tunique qu’elle avait tissée de ses mains ; elle dessinait la courbe de ses hanches, puis elle descendait en ondulations gracieuses, tout le long de ses genoux, jusqu’à la naissance de son petit pied mignon.

Non, il n’entendait guère ce qu’on lui disait ; il cherchait à entendre d’avance ce qu’Adenda allait lui dire, elle ; il l’entendait lui murmurer de sa douce voix :

— Saïdjah ! sois le bienvenu ! J’ai pensé à toi, en filant, en tissant, et en pilant le riz, sur mon billot, qui porte trois fois douze marques, faites de ma main. Me voici, sous l’arbre, le premier jour de la nouvelle lune. Sois le bienvenu, Saïdjah ! je veux être ta femme.

Voilà bien la musique, qui résonnait à ses oreilles, et l’empêchait d’entendre toutes les nouvelles qu’on lui donnait, sur son chemin.

Enfin, il entrevit l’arbre !… Non, plutôt, il aperçut un large espace, noir, épais, qui lui interceptait la vue des étoiles.

Là, devait se trouver la forêt !

Là, se trouvait l’arbre sous lequel il allait revoir Adenda, au lever de la prochaine aurore.