Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/382

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pas à un tel degré, l’indigène ne ressemblant nullement à votre Saïdjah. On n’est pas aussi coupable en maltraitant les Javanais, qu’on le serait si vous aviez fait votre Saïdjah ressemblant ! Le Soundanois ne chante pas les chants poétiques que vous lui mettez sur les lèvres, il n’aime pas avec cette passion forcenée, il n’éprouve pas les sensations que vous lui implantez au fond de l’âme !… Donc !…

Non, ministre des Colonies ! Non, Gouverneurs-généraux en retraite, ce n’est pas cela que vous avez à démontrer.

Il vous faut prouver que la population n’est pas maltraitée. Qu’importe qu’il se trouve parmi ces malheureux des Saïdjahs plus ou moins susceptibles de sentiment !

Oserez-vous vous arroger le droit de voler leurs buffles à de pauvres gens, qui n’aiment pas autant, qui ne chantent pas des chants de douleur, et dont le cœur n’est pas ouvert aux sentiments si tendres et si délicats ?

Si l’on venait m’attaquer, sur le terrain de la littérature, je défendrais l’exactitude du portrait de Saïdjah ; mais, sur le terrain de la politique je passe condamnation sur les observations qu’on me fera à ce sujet, ne voulant pas permettre à mes adversaires de me combattre avec des armes de mauvaise foi.

Restons sur le vrai terrain, s’il vous plaît.

Il m’est tout-à-fait indifférent qu’on me traite de mauvais peintre, si l’on tombe d’accord avec moi en ceci : que les traitements cruels, infligés à l’indigène sont excessifs ! — Excessifs… oui, c’est là le mot, qui se trouve dans les notes du prédécesseur de Havelaar, qui les montra au contrôleur Dipanon.

Ces notes, je les ai là, devant moi.