Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/385

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avait peut-être des poules ou autre chose à nous vendre, pour la cuisine.

Une expression douloureuse se répandit sur le visage de madame Sloterin ; cette contraction n’échappa point à l’œil clairvoyant de Havelaar.

— Ah ! fit-elle, il y a tant de méchantes gens !…

— Certes, il y en a partout. Seulement, si l’on renvoie tout le monde, nous éviterons les méchants, mais nous n’aurons jamais affaire aux bons, non plus. Voyons, madame, parlez, dites-moi franchement pourquoi vous surveillez l’esplanade avec cette vigilante sévérité.

Havelaar l’examinait, avec attention, mais il chercha en vain à deviner sa réponse dans ses yeux, humides de larmes.

Il insista… il questionna de nouveau…

La veuve éclata en sanglots, et finit par dire que son mari avait été empoisonné, à Parang-Koudjang, chez le chef du district.

— Il voulut être juste, monsieur Havelaar, continua la pauvre femme, il voulut mettre un terme aux mauvais traitements, qui écrasaient la population. Il réprimandait et menaçait les chefs, soit dans les séances du conseil, soit dans ses correspondances… Vous avez dû trouver la copie de ses lettres dans les archives !…

C’était vrai.

Havelaar avait lu les lettres dont j’ai les copies sous les yeux.

— Il parlait sans cesse de tout cela au préfet, reprit madame Sloterin, mais, hélas ! toujours en pure perte. Il était notoire que ces concussions avaient lieu au profit, et avec l’autorisation du Prince-Régent, que le préfet ne voulait pas charger auprès