Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/397

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que me donne le doigt du Seigneur ; et cela m’a toujours servi dans les affaires.

À ma grande surprise je vis que la femme de l’Homme-au-Châle était d’une famille honorable ; tout au moins la lettre était-elle signée par un de ses parents dont le nom historique est fort connu.

Le contenu de cette lettre était réellement admirable de vérité ; j’en fus ravi.

La personne qui l’avait écrite, devait travailler avec zèle pour le Seigneur, car elle écrivait : » Que la femme de l’Homme-au-Châle devait se séparer d’un pareil misérable, qui lui faisait partager sa misère, qui ne pouvait gagner son pain, et qui, de plus, était un coquin, vu qu’il était criblé de dettes…

Que l’auteur de la lettre avait pitié de son sort, quoique ce sort elle l’eût mérité en quittant les voies du Seigneur, et en s’unissant à l’Homme-au-Châle…

Qu’elle devait retourner vers le Seigneur, et qu’alors toute sa famille se cotiserait pour lui procurer des travaux d’aiguille…

Mais, qu’avant tout il fallait se séparer de cet Homme-au-Châle, qui était une honte pour sa famille. »

Bref, à l’Église même je n’aurais rien entendu de plus édifiant, que ce que je lus dans cette lettre.

J’en savais assez, et je remerciai Dieu de m’avoir renseigné d’une façon aussi miraculeuse. Sans cet avertissement d’en haut, à coup sûr je serais devenu la victime de mon bon cœur.

Je résolus donc, de nouveau, de garder Bastien jusqu’à ce que je sois parvenu à lui trouver un successeur convenable ; il ne me convient pas du reste de jeter quelqu’un sur le pavé ; et en ce moment nous ne pouvons vraiment pas nous défaire de lui, car il y a terriblement de besogne au bureau.