Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/450

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Uu jour, on fit remarquer à ce philosophe que le mouvement de sa montre était encrassé, et que partant elle marchait mal.

Il prit sa montre, la trempa dans le ruisseau, et la nettoya avec une étrille.

Selon la tradition du Guignol de la Haye, notre profond politique se contenta de l’écraser sous le talon de son sabot.

Eh bien ! lecteur, je vous le certifie sur mon honneur, il y eut bien du changement dans l’intérieur de cette montre !

La Hollande n’a pas trouvé bon de rendre justice à Max Havelaar, dans le procès qu’il intentait.

Aussi long-temps que deux fois deux feront quatre, il est certain que ce déni de justice, ce crime, sera le point de départ de la perte de ses colonies.

Quiconque osera rire de cette prophétie sous le fallacieux prétexte que voilà quinze ans que cette prophétie a été faite, que voilà quinze ans que je me suis vu forcé d’étaler toutes ces plaies au grand jour, et que malgré cela, le drapeau hollandais flotte toujours à Batavia quiconque osera en rire ne fera guère preuve d’une longue vue politique.

Croit-on qu’un bouleversement pareil à celui qui se prépare dans l’Empire d’Insulinde, bouleversement dont le principe est un fait acquis, — ne le sentez-vous pas, ô Hollandais ! — puisse se produire dans un laps de temps qui suffirait à peine à un événement de la vie quotidienne !

Dans la vie des nations, quinze années passent comme une seconde.

Et pourtant la catastrophe aura un dénouement fatal, et rapide.

La guerre faite si malencontreusement à Atchin fut un des derniers guet-à-pens tendus par un ministre, qui avait besoin de détourner l’attention publique, pour cacher son incapacité ; on verra dans peu que le résultat en sera aussi funeste, que le dessein, conçu par un cœnr léger, en a été coupable et criminel.

Mais, avant que les suites désastreuses de cette sottise cruelle ne se fassent jour, n’a-t-on pas à compter avec la responsabilité ministérielle qui l’a pris de si haut ?

Est-ce qu’aujourd’hui la nation n’a plus qu’à la subir, et à s’y résigner ?

Un Fransen van de Putte aura-t-il eu la satisfaction de la mettre dans une situation, qui, sans parler de la perte néfaste de son prestige dans l’Archipel indien, lui coûte tant de millions, et tant d’hommes !