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L’ARÊRTE DE ZMUTT

Devant l’hôtel du Mont-Rose je rencontre un vieux compagnon de course, Alois Burgener, qui me donne la bonne nouvelle que son frère Alexandre pourra peut-être se joindre à moi pour quelques jours. Les épaules carrées d’Alexandre apparurent et j’interviewai sa face à moitié cachée sous une épaisse barbe ; tout de suite il m’exprima brutalement son opinion, à savoir que partir pour une pareille expédition avec un Monsieur dont on ne savait rien serait « verfluchte Dummheit » une stupide bêtise. Je fus impressionné par cette expression hardie ; elle me parut non seulement indicative d’une sage défiance vis-à-vis d’un alpiniste non mis à l’épreuve, mais aussi pleine de la détermination de pousser l’attaque, une fois commencée, aux dernières limites du possible. Mes expériences précédentes s’étaient faites principalement, sinon exclusivement, avec des hommes empressés de partir pour n’importe quelle tentative, fût-elle désespérée, et trop polis pour s’enquérir si leur voyageur avait quelques notions de l’art de grimper. Dans la première phase de l’expédition ces hommes se trouvaient avoir invariablement, très développé en eux, un sentiment particulier d’affection pour leur femme et leurs enfants, sentiment très touchant, très recommandable, mais plein d’inconvénients pour le touriste, car il les poussait à cesser l’ascension dès qu’elle n’était plus facile. La démarche assurée d’Alexandre, sa réponse plutôt brave me parurent démontrer qu’il n’était pas de cette race : tout cela me sembla d’un bon présage pour notre connaissance future. J’acceptai avec plaisir son idée et nous tombâmes d’accord que nous ferions ensemble quelques expéditions préliminaires.

En conséquence, nous passâmes dans la Laquin Thal par les cols du Mischabel et de Laquin, forçant notre route de retour sur le Fletschhorn par un chemin nou-