Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/100

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Et ce bien qu’on m’envie est le plus grand des maux.
Moi qu’on a toujours vu, durant toute ma vie,
Tenir l’oisiveté pour mortelle ennemie,
Il faut que mon bras dorme, et qu’ayant tout vaincu,
Je désapprenne à vivre, à peine ayant vécu.
J’ai cette fois encor, sur ce mal qui m’accable,
Consulté ce que Rome a de considérable.
Les uns m’ont conseillé de réformer les lois,
De fonder, de créer des peuples et des rois,
D’accroître mes trésors, de régner, et d’attendre ;
Les autres, de marcher sur les pas d’Alexandre,
De le surpasser même, et, par delà l’Indus,
D’aller chercher au loin des pays inconnus.
Pas plus que l’autre fois leur facile éloquence
N’a fait dans mon esprit naître la confiance.
Ceux qui veulent la guerre, en croyant me flatter,
M’indiquent des écueils que je dois éviter ;
Ceux qui veulent la paix, par un motif contraire,
Me font trouver plus grand ce que j’hésite à faire.
Voilà ce qui m’a fait ce soir vous appeler,
Ma sœur, et c’est de quoi j’ai voulu vous parler.

Octavie.

Mon frère, quand César, voyant sa foi trompée,
Franchit le Rubicon pour marcher à Pompée,
Plus d’un vaillant guerrier, blanchi dans les combats,
Était à ses côtés, qu’il ne consulta pas.
Comme par l’aquilon ses aigles déchaînées
S’élançaient du sommet des Alpes étonnées,