Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce n’est pas un ennui, c’est l’ennui qui vous tue.
Si, comme moi, seigneur, au lever du soleil,
Vous veniez voir aux champs la terre à son réveil,
Si vous alliez cueillir, marchant dans la rosée,
Une fleur qu’avant vous les dieux ont arrosée,
Si vous la rapportiez vous-même à la maison,
Vous n’auriez pas d’ennuis.

Auguste.

Vous n’auriez pas d’ennuis.Il a presque raison.

Mécène.

Si vous pouviez, César, en juger par vous-même,
Et voir combien, partout, vit la beauté suprême,
Combien la moindre fleur, ou son bouton naissant,
A coûté de travail, pour mourir en passant !
Les poètes du jour croient que la poésie,
Sans rien voir ni savoir, naît dans leur fantaisie ;
D’autres, pour la trouver, courent le monde entier ;
Elle est dans un brin d’herbe, au coin de ce sentier,
Dans les amandiers verts que fait blanchir la pluie,
Dans ce fauteuil d’ivoire où votre bras s’appuie.
Partout où le soleil nous verse sa clarté,
Toujours est la grandeur et toujours la beauté.

Auguste.

Les poètes, chez vous, sont en faveur extrême,
Mais on pourrait, parfois, vous en croire un vous-même.
De vos charmants loisirs j’aimerais la douceur ;
Ils sont d’un homme heureux, mais non d’un empereur.
Où prendrais-je le temps de cette nonchalance ?