Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/267

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La comtesse.

Il me jure qu’il ne me reverra jamais.

Prévannes.

C’est ce que je dis. Il ne peut pas tarder.

La comtesse.

Je vous ai déjà déclaré que vos plaisanteries sont hors de saison.

Prévannes.

Je ne plaisante pas du tout… Ah ! vous vous imaginez, belle dame, qu’on perd une femme comme vous, qu’on s’en éloigne, qu’on l’oublie, qu’on se distrait !… Non pas, non pas, il en coûte plus cher ; cela ne se passe pas ainsi. Vous ne nous connaissez pas, nous autres amoureux ! Pendant que nous sommes ici à causer, savez-vous ce que fait ce pauvre Valbrun ? Il est d’abord rentré chez lui furieux, il a juré de se venger de moi, de vous, de toute la terre ; ensuite, il a pleuré… oh ! il a pleuré. Puis il a marché à grands pas dans sa chambre ; il a pensé à faire un voyage, puis, pour ne pas se déranger, à se brûler la cervelle. Là-dessus, par simple convenance, il a bien vu qu’il ne pouvait pas mourir sans vous voir une dernière fois. Il a bien songé aussi à vous écrire ; mais que peut-on dire, en un volume, qui vaille un regard de l’objet aimé ? Donc il a pris et quitté vingt fois son chapeau, — c’est-à-dire le mien ; — enfin, s’armant de courage, il l’a mis sur sa tête, il est résolument descendu de chez lui ; une fois dans la rue, le trouble, le dépit, une juste fierté,