Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/47

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consentit à en laisser promettre la prochaine publication aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes. Cependant il s’en repentit bientôt après et relégua les fragments dans un carton. Son indécision durait encore, lorsqu’il se vit tout à coup débarrassé de ses ennuis par un incident qu’il ne pouvait pas prévoir : un matin, M. Charpentier vint lui proposer de réimprimer ses ouvrages dans un nouveau format qui devait mettre les livres à la portée des petites fortunes et faire une révolution en librairie. Une entrevue d’une heure changea complètement la situation financière du poète, et cette visite inattendue avait pour lui tant d’à-propos, qu’il la reçut avec une sorte d’étonnement superstitieux. M. Charpentier fut obligé de lui expliquer que cet événement était la chose la plus naturelle du monde, car Alfred ne voulait pas croire que le moment fût venu de réimprimer ses premiers vers, et surtout les Contes d’Espagne et d’Italie. — Depuis lors, ils ont eu vingt fois les honneurs de la réimpression. — Quant à l’ouvrage promis aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes, l’auteur ne songea plus à l’achever, parce que le mobile de son travail s’était envolé avec son grand désespoir, et il ne se crut pas engagé par une simple annonce à communiquer au public un document si intime.

Au milieu de ses embarras financiers, Alfred avait pris un plaisir mêlé d’entêtement à n’obéir qu’aux caprices peu lucratifs de sa Muse. Des sonnets, des chansons, l’Adieu dont nous avons déjà parlé, des reproches à un cœur de marbre, une idylle, voilà tout ce qu’il avait produit en six mois, et le public ne connaissait encore de ces divers morceaux que le dernier, c’est-à-dire le dialogue entre Albert