Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/59

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lui donner des suffocations ou des hémorrhagies. Ces indispositions cessèrent dans son adolescence. À vingt ans, il jouissait d’une santé si robuste que toute espèce de fatigue lui était inconnue. Naturellement excessif dans ses goûts et ses habitudes comme dans ses sentiments, il haussait les épaules lorsqu’on lui parlait de précautions ou de régime, et l’on pouvait croire, en effet, qu’il n’en avait nul besoin. Cependant le cœur était resté son organe le plus délicat. En 1840, il gagna une fluxion de poitrine à la sortie du bal de l’Opéra. On lui fit beaucoup de mal en abusant des saignées. Une fois sur pied, il n’en devint pas plus prudent et se donna, chaque hiver, quelque rechute. Enfin, au printemps de 1844, il eut une seconde fluxion de poitrine. Bientôt après, il éprouva quelques symptômes d’une affection de l’aorte. On lui prescrivit un régime sévère qu’il ne voulut pas suivre. On lui défendait surtout de veiller. Dans l’introduction de Silvia, l’auteur raconte comment lui vint l’envie de traduire ce conte de Boccace. On y voit qu’il tenait en main le Décaméron :

Et de la nuit la lueur azurée,
Se jouant avec le matin,
Étincelait sur la tranche dorée
Du petit livre florentin.


Remarquons, en passant, que tout en faisant de la poésie, il nous donne ainsi sur lui-même quelques détails d’une parfaite exactitude. Son exemplaire du Décaméron, imprimé à Florence, était d’un format très petit et doré sur tranche. Le reste n’est pas moins exact. Pour le plaisir de lire Boccace, il avait veillé jusqu’au matin. C’était, depuis