Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/137

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Grémio.

Oui, madame.

Il sort.
Lucrèce, à Spinette.

Ainsi je ne le verrai plus.

Spinette.

Est-ce bien possible, ma chère maîtresse ? Vous m’avez confié votre dessein ; je vous vois prête à l’exécuter, et malgré moi je ne puis y croire.

Lucrèce.

Tout à l’heure tu y croiras.

Spinette.

Il ne m’appartient pas de vous en dissuader ; je n’ai que le droit d’en souffrir, et je suis aussi incapable d’oser vous blâmer que de vous trahir ; mais y avez-vous bien réfléchi ?

Lucrèce.

Non, et c’est pourquoi je le ferai.

Spinette.

Quitter une maison, une famille, — briser, en un jour, tous les liens d’une vie si belle et si heureuse !

Lucrèce.

Heureuse !

Spinette.

Vous l’étiez, madame.

Lucrèce.

Maintenant je ne le serai plus. Oui, Spinette, je vais, comme tu dis, quitter une maison, une famille : — je vais perdre mon nom, mon rang, ma fortune, et le premier des biens, l’honneur ! je vais partir avec Cordiani. Qui commet la faute en porte la peine ! mais lui, qui pourrait l’en punir ? Ce n’est pas lui qu’on peut accuser.