Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/325

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Camille.

Vous avez trouvé singulier de recevoir un billet de moi, n’est-ce pas ? Je suis d’humeur changeante ; mais vous m’avez dit ce matin un mot très juste : « Puisque nous nous quittons, quittons-nous bons amis. » Vous ne savez pas la raison pour laquelle je pars, et je viens vous la dire : je vais prendre le voile.

Perdican.

Est-ce possible ? Est-ce toi, Camille, que je vois dans cette fontaine, assise sur les marguerites comme aux jours d’autrefois ?

Camille.

Oui, Perdican, c’est moi. Je viens revivre un quart d’heure de la vie passée. Je vous ai paru brusque et hautaine ; cela est tout simple, j’ai renoncé au monde. Cependant, avant de le quitter, je serais bien aise d’avoir votre avis. Trouvez-vous que j’aie raison de me faire religieuse ?

Perdican.

Ne m’interrogez pas là-dessus, car je ne me ferai jamais moine.

Camille.

Depuis près de dix ans que nous avons vécu éloignés l’un de l’autre, vous avez commencé l’expérience de la vie. Je sais quel homme vous êtes, et vous devez avoir beaucoup appris en peu de temps avec un cœur et un esprit comme les vôtres. Dites-moi, avez-vous eu des maîtresses ?11