Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/422

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défende la vertu des femmes ; mais je ne puis avoir pour cela les mêmes raisons qu’elle.

La Reine

C’est une réponse téméraire. Chacun peut en effet avoir sur ce sujet l’opinion qu’il veut ; mais que vous en semble, messieurs ? N’y a-t-il pas une présomptueuse et hautaine folie à prétendre juger toutes les femmes ? C’est une cause bien vaste à soutenir, et si j’y étais avocat, moi, votre reine en cheveux gris, mon enfant, je pourrais mettre dans la balance quelques paroles que vous ne savez pas. Qui vous a donc appris, si jeune, à mépriser votre nourrice ? Vous qui sortez apparemment de l’école, est-ce là ce que vous avez lu dans les yeux bleus des jeunes filles qui puisaient de l’eau dans la fontaine de votre village ? Vraiment ! le premier mot que vous avez épelé sur les feuilles tremblantes d’une légende céleste, c’est le mépris ? Vous l’avez à votre âge ? Je suis donc plus jeune que vous, car vous me faites battre le cœur. Tenez, posez la main sur celui du comte Ulric ; je ne connais pas sa femme plus que vous, mais je suis femme, et je vois comment son épée lui tremble encore dans la main. Je vous gage mon anneau nuptial que sa femme lui est fidèle comme la vierge l’est à Dieu !

Ulric

Reine, je prends la gageure, et j’y mets tout ce que je possède sur terre, si ce jeune homme veut la tenir.