Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/454

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me résistera ? Déjà je me vois arrivant à la cour, et traversant d’un pas nonchalant les longues galeries. Les courtisans s’écartent en silence, les femmes chuchotent ; le riche enjeu est sur la table, et la reine a le sourire sur les lèvres. Quel coup de filet, Rosemberg ! Ce que c’est pourtant que la fortune ! Quand je pense à ce qui m’arrive, il me semble rêver. Non, il n’y a rien de tel que l’audace. — Il me semble que j’entends du bruit. Quelqu’un monte l’escalier ; on s’approche, on monte à petits pas. Ah ! comme mon cœur palpite !

Les fenêtres se ferment, et on entend au dehors le bruit de plusieurs verrous.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Je suis enfermé. On verrouille la porte en dehors. Sans doute, c’est quelque précaution de Barberine ; elle a peur que pendant le dîner quelque domestique n’entre ici. Elle aura envoyé sa camériste fermer sur moi la porte, jusqu’à ce qu’elle puisse s’échapper ! Si elle allait ne pas venir ! s’il arrivait un obstacle imprévu ! Bon, elle me le ferait dire. Mais qui marche ainsi dans le corridor ? On vient ici… C’est Barberine, je reconnais son pas. Silence ! il ne faut pas ici nous donner l’air d’un écolier. Je veux composer mon visage ;… celui à qui de pareilles choses arrivent n’en doit pas paraître étonné.

Un guichet s’ouvre dans la muraille.
Barberine, en dehors, parlant par le guichet.

Seigneur Rosemberg, comme vous n’êtes venu ici que pour commettre un vol, le plus odieux et le plus digne