Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/111

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saint appareil des exécutions judiciaires devient la cuirasse des ruffians et des ivrognes, que la hache et le poignard, cette arme des assassins, protègent l’homme de bien. Ô Christ ! la justice devenue une entremetteuse, l’honneur des Strozzi souffleté en place publique, et un tribunal répondant des quolibets d’un rustre ! Un Salviati jetant à la plus noble famille de Florence son gant taché de vin et de sang, et, lorsqu’on le châtie, tirant pour se défendre le coupe-tête du bourreau ! Lumière du soleil ! j’ai parlé, il n’y a pas un quart d’heure, contre les idées de révolte, et voilà le pain qu’on me donne à manger, avec mes paroles de paix sur les lèvres ! Allons ! mes bras, remuez ; et toi, vieux corps courbé par l’âge et par l’étude, redresse-toi pour l’action !

Entre Lorenzo.
Lorenzo.

Demandes-tu l’aumône, Philippe, assis au coin de cette rue ?

Philippe.

Je demande l’aumône à la justice des hommes ; je suis un mendiant affamé de justice, et mon honneur est en haillons.

Lorenzo.

Quel changement va donc s’opérer dans le monde, et quelle nouvelle robe va revêtir la nature, si le masque de la colère s’est posé sur le visage auguste et paisible du vieux Philippe ? Ô mon père ! quelles sont ces plaintes ? pour qui répands-tu sur la terre les joyaux