Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/114

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j’ai de cheveux gris, et que je vais trouver demain matin clouées sur la porte de la forteresse ; oui, c’est là tout, rien de plus, en vérité.

Lorenzo.

Ne me parle pas sur ce ton : je suis rongé d’une tristesse auprès de laquelle la nuit la plus sombre est une lumière éblouissante.

Il s’assoit près de Philippe.
Philippe.

Que je laisse mourir mes enfants, cela est impossible, vois-tu ! On m’arracherait les bras et les jambes, que, comme le serpent, les morceaux mutilés de Philippe se rejoindraient encore et se lèveraient pour la vengeance. Je connais si bien tout cela ! Les Huit ! un tribunal d’hommes de marbre ! une forêt de spectres, sur laquelle passe de temps en temps le vent lugubre du doute qui les agite pendant une minute, pour se résoudre en un mot sans appel. Un mot, un mot, ô conscience ! Ces hommes-là mangent, ils dorment, ils ont des femmes et des filles ! Ah ! qu’ils tuent et qu’ils égorgent ; mais pas mes enfants, pas mes enfants !

Lorenzo.

Pierre est un homme ; il parlera, et il sera mis en liberté.

Philippe.

Ô mon Pierre, mon premier-né !

Lorenzo.

Rentrez chez vous, tenez-vous tranquille ; ou faites