Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/139

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que je fais donc de si mal ? Je vaux bien mes voisins ; je vaux, ma foi, mieux que le pape. Tu me fais penser aux Strozzi avec tous tes discours ; — et tu sais que je les déteste. Tu veux que je me révolte contre César ; César est mon beau-père, ma chère amie. Tu te figures que les Florentins ne m’aiment pas ; je suis sûr qu’ils m’aiment, moi. Eh ! parbleu ! quand tu aurais raison, de qui veux-tu que j’aie peur ?

La Marquise.

Tu n’as pas peur de ton peuple, — mais tu as peur de l’empereur ; tu as tué ou déshonoré des centaines de citoyens, et tu crois avoir tout fait quand tu mets une cotte de mailles sous ton habit.

Le Duc.

Paix ! point de ceci.

La Marquise.

Ah ! je m’emporte ; je dis ce que je ne veux pas dire. Mon ami, qui ne sait pas que tu es brave ? Tu es brave comme tu es beau ; ce que tu as fait de mal, c’est ta jeunesse, c’est ta tête, — que sais-je, moi ? c’est le sang qui coule violemment dans ces veines brûlantes, c’est ce soleil étouffant qui nous pèse. — Je t’en supplie, que je ne sois pas perdue sans ressource ; que mon nom, que mon pauvre amour pour toi ne soit pas inscrit sur une liste infâme. Je suis une femme, c’est vrai, et si la beauté est tout pour les femmes, bien d’autres valent mieux que moi. Mais n’as-tu rien, dis-