Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/199

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qui ont trouvé dans cette affaire une petite occasion d’égorger tous leurs chanceliers en plein midi, au milieu des rues. J’ai appris cela il n’y a pas une heure.

Philippe.

Je suis plein de joie et d’espoir ; le cœur me bat malgré moi.

Lorenzo.

Tant mieux pour vous.

Philippe.

Puisque tu n’en sais rien, pourquoi en parles-tu ainsi ? Assurément tous les hommes ne sont pas capables de grandes choses, mais tous sont sensibles aux grandes choses : nies-tu l’histoire du monde entier ? Il faut sans doute une étincelle pour allumer une forêt ; mais l’étincelle peut sortir d’un caillou, et la forêt prend feu. C’est ainsi que l’éclair d’une seule épée peut illuminer tout un siècle.

Lorenzo.

Je ne nie pas l’histoire ; mais je n’y étais pas.

Philippe.

Laisse-moi t’appeler Brutus ; si je suis un rêveur, laisse-moi ce rêve-là. Ô mes amis, mes compatriotes ! vous pouvez faire un beau lit de mort au vieux Strozzi, si vous voulez !

Lorenzo.

Pourquoi ouvrez-vous la fenêtre ?

Philippe.

Ne vois-tu pas un courrier qui arrive ? Mon Brutus !