Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/261

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Jacqueline.

Maintenant donc, voilà ce qui arrive : le mari, un peu soupçonneux, a fini par s’apercevoir, non du chiffon de trop, mais de l’argent de moins. Il a menacé ses domestiques, frappé sur sa cassette et grondé ses marchands. La pauvre femme abandonnée n’y a pas perdu un louis ; mais elle se trouve, comme un nouveau Tantale, dévorée du matin au soir de la soif des chiffons. Plus de confidents, plus de mémoires secrets, plus de dépenses ignorées. Cette soif pourtant la tourmente ; à tout hasard elle cherche à l’apaiser. Il faudrait qu’un jeune homme adroit, discret surtout, et d’assez haut rang dans la ville pour n’éveiller aucun soupçon, voulût aller visiter les boutiques, et y acheter, comme pour lui-même, ce dont elle peut et veut avoir besoin. Il faudrait qu’il eût, tout d’abord, facile accès dans la maison ; qu’il pût entrer et sortir avec assurance ; qu’il eût bon goût, cela est clair, et qu’il sût choisir à propos. Peut-être serait-ce un heureux hasard s’il se trouvait par là, dans la ville, quelque jolie et coquette fille, à qui on sût qu’il fît sa cour. N’êtes-vous pas dans ce cas, je suppose ? ce hasard-là justifierait tout. Ce serait alors pour la belle que les emplettes seraient censées se faire. Voilà ce qu’il faudrait trouver.

Fortunio.

Dites à votre amie que je m’offre à elle ; je la servirai de mon mieux.