Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/75

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Marie.

Ce n’était point un rêve, car je ne dormais pas. J’étais seule dans cette grande salle ; ma lampe était loin de moi, sur cette table auprès de la fenêtre. Je songeais aux jours où j’étais heureuse, aux jours de ton enfance, mon Lorenzino. Je regardais cette nuit obscure, et je me disais : il ne rentrera qu’au jour, lui qui passait autrefois les nuits à travailler. Mes yeux se remplissaient de larmes, et je secouais la tête en les sentant couler. J’ai entendu tout d’un coup marcher lentement dans la galerie ; je me suis retournée ; un homme vêtu de noir venait à moi, un livre sous le bras : c’était toi, Renzo : « Comme tu reviens de bonne heure ! » me suis-je écriée. Mais le spectre s’est assis auprès de la lampe, sans me répondre ; il a ouvert son livre, et j’ai reconnu mon Lorenzino d’autrefois.

Lorenzo.

Vous l’avez vu ?

Marie.

Comme je te vois.

Lorenzo.

Quand s’en est-il allé ?

Marie.

Quand tu as tiré la cloche ce matin en rentrant.

Lorenzo.

Mon spectre, à moi ! Et il s’en est allé quand je suis rentré ?