Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies II.djvu/88

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vieux Strozzi, qui a peur pour son enfant. Sois avare de sa famille, car il viendra un jour où tu la compteras, où tu te mettras avec lui à la fenêtre, et où le cœur te battra aussi lorsque tu entendras le bruit de nos épées.

Louise.

Mon père ! mon père ! vous me faites peur.

Le prieur, bas à Louise.

N’est-ce pas Thomas qui rôde sous ces lanternes ? il m’a semblé le reconnaître à sa petite taille. Le voilà parti.

Philippe.

Pauvre ville ! où les pères attendent ainsi le retour de leurs enfants ! Pauvre patrie ! pauvre patrie ! Il y en a bien d’autres à cette heure qui ont pris leur manteau et leur épée pour s’enfoncer dans cette nuit obscure ; et ceux qui les attendent ne sont point inquiets ; ils savent qu’ils mourront demain de misère, s’ils ne meurent de froid cette nuit. Et nous, dans ces palais somptueux, nous attendons qu’on nous insulte pour tirer nos épées ! Le propos d’un ivrogne nous transporte de colère, et disperse dans ces sombres rues nos fils et nos amis ! Mais les malheurs publics ne secouent pas la poussière de nos armes. On croit Philippe Strozzi un honnête homme, parce qu’il fait le bien sans empêcher le mal ; et maintenant, moi, père, que ne donnerais-je pas pour qu’il y eût au monde un être capable de me rendre mon fils et de punir juridi-