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ACTE I, SCÈNE I.

cette couche de glace fragile qui craque à chaque pas ! Jamais arbuste en fleurs n’a promis de fruits plus rares, jamais je n’ai humé dans une atmosphère enfantine plus exquise odeur de courtisanerie.

le duc

Sacrebleu ! je ne vois pas le signal. Il faut pourtant que j’aille au bal chez Nasi : c’est aujourd’hui qu’il marie sa fille.

Giomo

Allons au pavillon, monseigneur ; puisqu’il ne s’agit que d’emporter une fille qui est à moitié payée, nous pouvons bien taper aux carreaux.

le duc

Viens par ici, le Hongrois a raison.

Ils s’éloignent. — Entre Maffio.
Maffio

Il me semblait dans mon rêve voir ma sœur traverser notre jardin, tenant une lanterne sourde, et couverte de pierreries. Je me suis éveillé en sursaut. Dieu sait que ce n’est qu’une illusion, mais une illusion trop forte pour que le sommeil ne s’enfuie pas devant elle. Grâce au ciel, les fenêtres du pavillon où couche la petite sont fermées comme de coutume ; j’aperçois faiblement la lumière de sa lampe entre les feuilles de notre vieux figuier. Maintenant mes folles terreurs se dissipent ; les battements précipités de mon cœur font place à une douce tranquillité. Insensé ! mes yeux se remplissent de larmes, comme si ma pauvre