Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/33

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Blainville. J’y ai pensé en vous quittant ; est-ce que M. de Chavigny lui fait la cour ?

Mathilde se lève, ne pouvant répondre, se détourne et porte son mouchoir à ses yeux.
Madame de Léry.

Est-il possible ?

Un long silence. Mathilde se promène quelque temps, puis va s’asseoir à l’autre bout de la chambre. Madame de Léry semble réfléchir. Elle se lève et s’approche de Mathilde ; celle-ci lui tend la main.
Madame de Léry.

Vous savez, ma chère, que les dentistes vous disent de crier quand ils vous font mal. Moi, je vous dis : Pleurez ! pleurez ! Douces ou amères, les larmes soulagent toujours.

Mathilde.

Ah ! mon Dieu !

Madame de Léry.

Mais c’est incroyable, une chose pareille ! On ne peut pas aimer madame de Blainville ; c’est une coquette à moitié perdue, qui n’a ni esprit ni beauté. Elle ne vaut pas votre petit doigt ; on ne quitte pas un ange pour un diable.

Mathilde, sanglotant.

Je suis sûre qu’il l’aime, j’en suis sûre.

Madame de Léry.

Non, mon enfant, ça ne se peut pas ; c’est un caprice, une fantaisie. Je connais M. de Chavigny plus qu’il ne pense ; il est méchant, mais il n’est pas mau-