Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/59

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veut pas d’un joug, et votre prudence ne veut pas d’un lien ; vous n’avez à redouter ni l’un ni l’autre. On ne vous demande ni protestation, ni engagement, ni sacrifice, rien qu’un sourire de ces lèvres de rose et un regard de ces beaux yeux. Souriez pendant que cette porte est fermée : votre liberté est sur le seuil ; vous la retrouverez en quittant cette chambre ; ce qui s’offre à vous n’est pas le plaisir sans amour, c’est l’amour sans peine et sans amertume ; c’est le caprice, puisque nous en parlons, non l’aveugle caprice des sens, mais celui du cœur, qu’un moment fait naître et dont le souvenir est éternel.

Madame de Léry.

Vous me parliez de comédie ; mais il paraît qu’à l’occasion vous en joueriez d’assez dangereuses. J’ai quelque envie d’avoir un caprice, avant de répondre à ce discours-là. Il me semble que c’en est l’instant, puisque vous en plaidez la thèse. Avez-vous là un jeu de cartes ?

Chavigny.

Oui, dans cette table ; qu’en voulez-vous faire ?

Madame de Léry.

Donnez-le-moi, j’ai ma fantaisie, et vous êtes forcé d’obéir si vous ne voulez vous contredire.

Elle prend une carte dans le jeu.

Allons, comte, dites rouge ou noir.

Chavigny.

Voulez-vous me dire quel est l’enjeu ?