Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies III.djvu/85

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il me semble qu’on a bien le droit, sans offenser une personne qu’on respecte…

La marquise.

D’attendre que la pluie soit passée, n’est-ce pas ? Vous êtes entré ici tout à l’heure sans savoir pourquoi, vous l’avez dit vous-même ; vous étiez ennuyé, vous ne saviez que faire, vous pouviez même passer pour assez grognon. Si vous aviez trouvé ici trois personnes, les premières venues, là, au coin de ce feu, vous parleriez, à l’heure qu’il est, littérature ou chemins de fer, après quoi vous iriez dîner. C’est donc parce que je me suis trouvée seule que vous vous croyez tout à coup obligé, oui, obligé, pour votre honneur, de me faire cette même cour, cette éternelle, insupportable cour, qui est une chose si inutile, si ridicule, si rebattue. Mais qu’est-ce que je vous ai donc fait ? Qu’il arrive ici une visite, vous allez peut-être avoir de l’esprit ; mais je suis seule, vous voilà plus banal qu’un vieux couplet de vaudeville ; et vite, vous abordez votre thème, et si je voulais vous écouter, vous m’exhiberiez une déclaration, vous me réciteriez votre amour. Savez-vous de quoi les hommes ont l’air en pareil cas ? De ces pauvres auteurs sifflés qui ont toujours un manuscrit dans leur poche, quelque tragédie inédite et injouable, et qui vous tirent cela pour vous en assommer, dès que vous êtes seul un quart d’heure avec eux.

Le comte.

Ainsi, vous me dites que je ne vous déplais pas, je