Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/169

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indiquai ; c’était une petite maison de paisible apparence, avec un jardin. Il la connaissait ; les deux seules habitantes étaient une femme âgée, passant pour très dévote, et une jeune, qui s’appelait madame Pierson. C’était celle que j’avais vue. Je lui demandai qui elle était et si elle venait chez mon père. Il me répondit qu’elle était veuve, menant une vie retirée, et qu’il l’avait vue quelquefois, mais rarement, chez nous. Il n’en fut pas dit plus long, et, sortant de nouveau là-dessus, je m’en retournai à mes tilleuls, où je m’assis sur un banc.

Je ne sais quelle tristesse me gagna tout à coup en voyant le chevreau revenir à moi. Je me levai, et, comme par distraction, regardant le sentier que madame Pierson avait pris pour s’en aller, je le suivis tout en rêvant, si bien que je m’enfonçai fort avant dans la montagne.

Il était près d’onze heures lorsque je pensai à revenir ; comme j’avais beaucoup marché, je me dirigeai du côté d’une ferme que j’aperçus pour demander une tasse de lait et un morceau de pain. En même temps, de grosses gouttes de pluie qui commençaient à tomber annonçaient un orage que je voulais laisser passer. Quoiqu’il y eût de la lumière dans la maison et que j’entendisse aller et venir, on ne me répondit pas quand je frappai, en sorte que je m’approchai d’une fenêtre pour regarder s’il n’y avait là personne.

Je vis un grand feu allumé dans la salle basse ; le