Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/230

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— On n’a jamais rien dit, du reste, et je pensais que monsieur savait cela.

— Enfin, le dit-on, oui ou non ?

— Oui, monsieur, je le crois, du moins.

Je me levai de table et descendis sur la promenade. Mercanson y était ; je m’attendais qu’il allait m’éviter ; tout au contraire, il m’aborda.

— Monsieur, me dit-il, vous avez l’autre jour donné des marques de colère dont un homme de mon caractère ne saurait conserver la mémoire. Je vous exprime mon regret de m’être chargé d’une commission intempestive (c’était sa manière que les longs mots) et de m’être mis en travers des roues avec tant soit peu d’importunité.

Je lui rendis son compliment, croyant qu’il me quitterait là-dessus ; mais il se mit à marcher à côté de moi.

— Dalens ! Dalens ! répétais-je entre mes dents ; qui me parlera de Dalens ? car Larive ne m’avait rien dit que ce que peut dire un valet. Par qui le savait-il ? par quelque servante ou quelque paysan. Il me fallait un témoin qui pût avoir vu Dalens chez madame Pierson, et qui sût à quoi s’en tenir. Ce Dalens ne me sortait pas de la tête, et, ne pouvant parler d’autre chose, j’en parlai tout de suite à Mercanson.

Si Mercanson était un méchant homme, s’il était niais ou rusé, je ne l’ai jamais distingué clairement ; il est certain qu’il devait me haïr, et qu’il en agit avec moi