Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/290

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faire et que je n’étais bon à rien ; et, tout en préparant les malles, les projets allaient, comme on pense. C’était bien loin de gagner la Sicile ; mais l’hiver y est si agréable ! c’est le climat le plus heureux. Gênes est bien belle avec ses maisons peintes, ses jardins verts en espalier et les Apennins derrière elle. Mais que de bruit ! quelle multitude ! Sur trois hommes qui passent dans les rues, il y a un moine et un soldat. Florence est triste ; c’est le moyen âge encore vivant au milieu de nous. Comment souffrir ces fenêtres grillées et cette affreuse couleur brune dont les maisons sont toutes salies ? Qu’irions-nous faire à Rome ? nous ne voyageons pas pour nous éblouir, et encore moins pour rien apprendre. Si nous allions sur les bords du Rhin ? Mais la saison y sera passée, et quoiqu’on ne cherche pas le monde, il est toujours triste d’aller où il va, quand il n’y est plus. Mais l’Espagne ? Trop d’embarras nous y arrêteraient ; il faut y marcher comme en guerre et s’attendre à tout, hormis au repos. Allons en Suisse ; si tant de gens y voyagent, laissons les sots en faire fi ; c’est là qu’éclatent dans toute leur splendeur les trois couleurs les plus chères à Dieu : l’azur du ciel, la verdure des plaines et la blancheur des neiges au sommet des glaciers. — Partons, partons, disait Brigitte, envolons-nous comme deux oiseaux. Figurons-nous, mon cher Octave, que c’est d’hier que nous nous connaissons. Vous m’avez rencontrée au bal, je vous ai plu et je vous aime ; vous me contez qu’à quelques lieues d’ici, dans je ne sais