Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/345

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gardé me fit sourire en ce moment. — Qui sait ? me dis-je ; si j’en faisais autant, Brigitte s’y tromperait peut-être et m’apprendrait quel est son secret.

D’une colère furieuse je passai tout à coup à des idées de ruse et de rouerie. Était-il donc si difficile de faire parler une femme malgré elle ? Cette femme était ma maîtresse ; j’étais bien faible si je n’y parvenais. Je me renversai sur le sofa d’un air libre et indifférent. — Eh bien ! ma chère, dis-je gaiement, nous ne sommes donc pas au jour des confidences ?

Elle me regarda d’un air étonné.

— Eh, mon Dieu ! oui, continuai-je, il faut pourtant qu’un jour ou l’autre nous en venions à nos vérités. Tenez, pour vous donner l’exemple, j’ai quelque envie de commencer : cela vous rendra confiante, et il n’y a rien de tel que de s’entendre entre amis.

Sans doute qu’en parlant ainsi, mon visage me trahissait ; Brigitte ne semblait pas m’entendre et continuait de se promener.

— Savez-vous bien, lui dis-je, qu’après tout voilà six mois que nous sommes ensemble ? Le genre de vie que nous menons n’a rien qui ressemble à ce dont on peut rire. Vous êtes jeune, je le suis aussi ; s’il arrivait que le tête-à-tête cessât d’être de votre goût, seriez-vous femme à me le dire ? En vérité, si cela était, je vous l’avouerais franchement. Et pourquoi pas ? est-ce un crime d’aimer ? ce ne peut donc pas être un crime de moins aimer, ou de n’aimer plus. Qu’y aurait-il d’é-