Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/35

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d’un air inquiet et le visage très pâle. Mes témoins accoururent en même temps, voyant que j’étais blessé ; mais il les écarta et me prit la main de mon bras malade. Il avait les dents serrées et ne pouvait parler : je vis son angoisse. Il souffrait du plus affreux mal que l’homme puisse éprouver. Va-t’en, lui criai-je, va-t’en t’essuyer aux draps de*** ! Il suffoquait, et moi aussi.

On me mit dans un fiacre, où je trouvai un médecin. La blessure ne se trouva pas dangereuse, la balle n’ayant point touché les os ; mais j’étais dans un tel état d’excitation qu’il fut impossible de me panser sur-le-champ. Au moment où le fiacre partait, je vis à la portière une main tremblante ; c’était mon adversaire qui revenait encore. Je secouai la tête pour toute réponse ; j’étais dans une telle rage, que j’aurais vainement fait un effort pour lui pardonner, tout en sentant bien que son repentir était sincère.

Arrivé chez moi, le sang qui coulait abondamment de mon bras me soulagea beaucoup ; car la faiblesse me délivra de ma colère, qui me faisait plus de mal que ma blessure. Je me couchai avec délices, et je crois que je n’ai jamais rien bu de plus agréable que le premier verre d’eau qu’on me donna.

M’étant mis au lit, la fièvre me prit. Ce fut alors que, le fantôme de ma belle et adorée maîtresse étant venu se pencher sur moi, je commençai à verser des larmes. Ce que je ne pouvais concevoir, ce n’était pas