Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/57

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Vous avez des femmes, Octave, par la raison que vous êtes jeune, ardent, que votre visage est ovale et régulier, que vos cheveux sont peignés avec soin ; mais par cette raison même, mon ami, vous ne savez pas ce que c’est qu’une femme.

La nature, avant tout, veut la reproduction des êtres ; partout, depuis le sommet des montagnes jusqu’au fond de l’Océan, la vie a peur de mourir. Dieu, pour conserver son ouvrage, a donc établi cette loi, que la plus grande jouissance de tous les êtres vivants fût l’acte de la génération. Le palmier, envoyant à sa femelle sa poussière féconde, frémit d’amour dans les vents embrasés ; le cerf en rut éventre sa biche qui lui résiste ; la colombe palpite sous les ailes du mâle comme une sensitive amoureuse ; et l’homme, tenant dans ses bras sa compagne, au sein de la toute-puissante nature, sent bondir dans son cœur l’étincelle divine qui l’a créé.

Ô mon ami ! lorsque vous serrez dans vos bras nus une belle et robuste femme, si la volupté vous arrache des larmes, si vous sentez sangloter sur vos lèvres des serments d’amour éternel, si l’infini vous descend dans le cœur, ne craignez pas de vous livrer, fussiez-vous avec une courtisane ; [vous êtes toujours devant Dieu. Vous accomplissez son grand œuvre ; il crée en vous, vous êtes sa main droite. Ne retenez pas les prières qui vous viennent à la bouche pendant le sacrifice ; ce sont là les autels où il veut être compris et adoré.]