Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Confession d’un enfant du siècle.djvu/73

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bornes, le cœur brisé et le sourire sur les lèvres. — Oui, vous avez raison, leur disais-je, vous seuls savez les secrets de la vie ; vous seuls osez dire que rien n’est vrai que la débauche, l’hypocrisie et la corruption. Soyez mes amis ; posez sur la plaie de mon âme vos poisons corrosifs ; apprenez-moi à croire en vous.

Pendant que je m’enfonçais ainsi dans les ténèbres, mes poètes favoris et mes livres d’étude restaient épars dans la poussière. Je les foulais aux pieds dans mes accès de colère. — Et vous, leur disais-je, rêveurs insensés qui n’apprenez qu’à souffrir, misérables arrangeurs de paroles, charlatans si vous saviez la vérité, niais si vous étiez de bonne foi, menteurs dans les deux cas, qui faites des contes de fée avec le cœur humain, je vous brûlerai tous jusqu’au dernier.

Au milieu de tout cela, les larmes venaient à mon aide, et je m’apercevais qu’il n’y avait de vrai que ma douleur. — Eh bien ! criai-je alors dans mon délire, dites-moi, vous tous, bons et mauvais génies, [esprits de vie et de mort assis à mon chevet, poètes et ruffians, ] conseillers du bien et du mal, dites-moi donc ce qu’il faut faire. Choisissez donc un arbitre entre vous.

Je saisis une vieille Bible qui était sur ma table, et l’ouvris au hasard. — Réponds-moi, toi, livre de Dieu, lui dis-je, sachons un peu quel est ton avis. Je tombai sur ces paroles de l’Ecclésiaste, chapitre IX :

« J’ai agité toutes ces choses dans mon cœur, et je