Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/338

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— Voilà, madame, lui dit-il, le seul ami que j’aie ici.

La marquise parut d’abord étonnée, hésita un moment, regardant tantôt l’éventail, tantôt le chevalier.

— Ah ! vous avez raison, dit-elle enfin ; c’est vous, monsieur ! je vous reconnais. C’est vous que j’ai vu hier, après la comédie, avec M. de Richelieu. J’ai laissé tomber cet éventail, et vous vous êtes trouvé là, comme vous disiez.

— Oui, madame.

— Et fort galamment, en vrai chevalier, vous me l’avez rendu : je ne vous ai pas remercié, mais j’ai toujours été persuadée que celui qui sait, d’aussi bonne grâce, relever un éventail, sait aussi, au besoin, relever le gant ; et nous aimons assez cela, nous autres.

— Et cela n’est que trop vrai, madame ; car, en arrivant tout à l’heure, j’ai failli avoir un duel avec le suisse.

— Miséricorde ! dit la marquise, prise d’un second accès de gaieté, avec le suisse ! et pour quoi faire ?

— Il ne voulait pas me laisser entrer.

— C’eût été dommage. Mais, monsieur, qui êtes-vous ? que demandez-vous ?

— Madame, je me nomme le chevalier de Vauvert, M. de Biron avait demandé pour moi une place de cornette aux gardes.

— Oui-da ! je me souviens encore. Vous venez de