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quelques-unes approchant du drame. En plusieurs occasions, je fus réveillé au milieu de la nuit pour donner mon avis sur quelque grave question de haute prudence. Toutes ces historiettes m’ayant été confiées sous le sceau du secret, j’ai dû les oublier ; mais je puis affirmer que plus d’une aurait fait envie aux Bassompierre et aux Lauzun. Les femmes, dans ce temps-là, ne vivaient point absorbées par les préoccupations de luxe et de toilette. Pour espérer de plaire, les jeunes gens n’avaient pas besoin d’être riches, et il servait à quelque chose d’avoir, à dix-neuf ans, le prestige du talent et de la gloire. Malgré ses succès, Alfred de Musset eut assez de bon sens et de modestie pour résister à l’enivrement. Il se garda toujours de la folie orgueilleuse et de l’infatuation de soi-même, écueil vulgaire où sombrent les plus grands esprits.

Tandis que le servum pecus des imitateurs se jetait sur les Contes d’Espagne et se mettait en mesure de les copier de cent façons, Alfred de Musset méditait une réforme et changeait si bien d’allure que les Vœux stériles, Octave et les Pensées de Rafaël, premiers morceaux qu’il publia dans la Revue de Paris, après un intervalle de réflexions sérieuses ne contenaient déjà plus ni négligences de style ni vers brisés. On sait que le poète demandait pardon à sa langue maternelle de l’avoir quelquefois offensée. Racine et Shakspeare, disait-il, se rencontraient sur sa table