Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/191

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léans eut une conversation confidentielle avec son ancien condisciple, dans laquelle il exprima librement son opinion sur la politique du roi son père, sur l’isolement de la France entre les nations malheureuses, dont elle avait abandonné la cause, et les gouvernements étrangers toujours hostiles et dédaigneux. Le prince ne craignit pas de laisser entrevoir l’éventualité d’une guerre comme une chose probable pour la première année de son règne. Il cita même, à ce propos, une phrase de Fantasio : « Nous irons faire un tour en Italie, et nous entrerons à Mantoue sans qu’il y ait besoin pour cela d’autres cierges que nos épées. » Le prince ajouta : « Et quand la paix sera signée, nous nous amuserons ; nous donnerons de l’occupation aux poètes et aux artistes ; vous nous ferez des vers, et vous viendrez nous les lire. »

La princesse Hélène arriva d’Allemagne sur ces entrefaites. On sait avec quelle pompe le mariage fut célébré. Au milieu des vastes galeries de Versailles, Alfred rêva un avenir plus beau et plus digne d’une grande nation que le temps du juste-milieu et de la paix à tout prix. Son imagination, mobile comme la boussole, découvrait au loin une nouvelle renaissance des arts et des lettres, un règne brillant et chevaleresque. À vingt-six ans, de tels rêves étaient permis ; l’espoir en paraissait fondé sur les idées et les projets du prince royal, sur le noble caractère de la duchesse d’Orléans, et sur les talents remarquables