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son caractère frivole en apparence. Dans tous les pays du monde, il y a fort peu de femmes capables, comme madame de Léry, d’employer au profit de la morale tout l’arsenal de la coquetterie, de faire une action honnête comme on ferait un poisson d’avril, et de se tirer d’un pas dangereux, les bagues sauves, avec autant d’esprit que de grâce ; mais, si la chose est possible quelque part, c’est à Paris ; aussi cette figure si fortement accentuée est-elle considérée comme le portrait exact de la parisienne par excellence. Ceux qui trouvent ce portrait flatté sont libres de prendre cette création aimable de madame de Léry pour un remerciement de l’auteur aux femmes de Paris, dont les suffrages ne lui ont jamais manqué.

Lorsque la Revue publia le Caprice (le 15 juin 1837), on en parla dans les salons ; mais le monde littéraire n’eut pas l’air d’y faire attention, comme s’il eût senti avec une sorte de mauvaise humeur que l’appréciation de ce tableau n’était point de sa compétence. L’auteur ne s’inquiéta pas de ce silence ; il écrivit en quelques jours Emmeline, dont il ne livra pas le manuscrit aux imprimeurs sans un peu d’hésitation. C’était, à vrai dire, son premier roman ; il s’agissait d’intéresser, de toucher le cœur par le simple récit d’un chagrin d’amour et d’un sacrifice à la raison et au devoir. Réduit à ses seules ressources, l’art de bien dire, sans rhétorique, constituait pour le poète de la jeunesse une épreuve nou-