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n’existait encore qu’en projet. Voici ce qui devait arriver : Le héros de l’histoire, dégoûté du métier d’écrivain, s’adonnait avec ardeur à la peinture, et devenait, en peu de temps, un peintre de genre assez habile. Bientôt il se retrouvait aux prises avec les mêmes difficultés. Les charges de la famille et les besoins de chaque jour l’obligeaient à laisser souvent ses pinceaux pour donner des leçons à des écoliers et pour manier le crayon du lithographe. Son talent en souffrait. Il s’en allait au Louvre pleurer devant le visage souriant de la Joconde, comme il avait pleuré devant l’ombre de Françoise de Rimini. Le lendemain, il abandonnait la peinture, se mettait à son piano et passait les nuits à étudier les œuvres des grands musiciens. Encouragé par le succès de ses premières compositions, il partait pour l’Allemagne. Malgré ses efforts, malgré deux ou trois soirées de triomphe, il ne pouvait réussir à sortir de la foule des musiciens de concert. Revenu à Paris, il y retombait dans l’obscurité. Pour la troisième fois, il versait les larmes stériles du découragement, en exécutant sur son piano le Requiem de Mozart.

C’était pendant cette nuit de désespoir que l’artiste concevait la pensée de s’affranchir par le suicide. Mais, avant de mourir, il voulait tenter de laisser en ce monde une trace de son passage ; il voulait se livrer une fois en sa vie à l’inspiration de son cœur, et faire entendre son dernier cri de douleur à tous