Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/314

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MM. Roger, Got et Régnier. Alfred, averti d’avance, écrivit pour cette matinée un proverbe inédit : On ne saurait penser à tout, dont l’insertion au programme attira beaucoup de monde. La grande majorité des spectateurs se composait de jeunes et jolies femmes, en toilette de printemps, et l’auteur retrouva ce qu’il appelait son public des petits nez roses. Le proverbe obtint un succès de rires ; mais le jour de la représentation au Théâtre-Français, le public de la rue Rochechouart n’était plus en majorité ; la presse du lundi se montra hostile, et la pièce ne fut jouée que dix ou douze fois. Le Chandelier, accueilli avec une faveur extraordinaire, répara ce léger échec, malgré l’opposition de la critique qui ne manqua pas de crier au scandale. Cette pièce eut la bonne fortune de trouver à la Comédie française, dans la personne de M. Delaunay, le type exact de Fortunio, avec ses vingt ans, son accent passionné et cette chaleur de cœur qui va parfois jusqu’à verser de vraies larmes en scène. Tout Paris y courait. Lorsque M. Léon Faucher s’avisa de faire supprimer cette comédie après quarante représentations, l’auteur en eut tant de chagrin qu’il composa un dénoûment moral, pour donner satisfaction au ministre. Dans cette version, Fortunio partait pour l’armée avec Clavaroche, tandis que Jacqueline retombait sous la férule de son vieillard. Ce changement proposé n’arriva pas à la connaissance de M. Léon Faucher, qui ne voulut pas en entendre parler.